Les nouvelles routes de la soie reçoivent de plus en plus d’attention de la part des médias européens. Ce projet pose la question d’une certaine hégémonie chinoise, mais tous s’accordent à dire que la BRI crée aussi des opportunités et du développement. Deux étudiants britanniques ont choisi de se faire leur propre opinion en explorant cette nouvelle voie de communication entre l’Europe et l’Asie.

Entretien avec Charles Stevens, initiateur de ce projet

Qu’est-ce qui a suscité votre intérêt pour l’initiative Belt and Road? Pouvez-vous nous parler de votre parcours personnel?

L’initiative « Belt and Road » est une entreprise monumentale. Bien que la Chine soit vague sur ses intentions spécifiques, près de 4 000 milliards de dollars devraient y être investis. Le plan Marshall américain est le seul projet comparable et a coûté 130 milliards de dollars ( valeur comparable 2015). Tout ce qui a été développé avec ce niveau d’ambition est susceptible d’être important à la fois régionalement et globalement. Le projet « New Silk Road » a pour objectif de réaliser une évaluation indépendante de ces progrès.

Actuellement, je suis étudiant en histoire, en premier cycle, à l’université de Saint Andrews. Tom Micklethwait, qui voyagera avec moi, étudie le russe et la physique à l’université de Georgetown. Will Hsu, qui nous rejoindra en Europe, étudie à l’Université de Bath et Rob Krawczyk, qui  réalise un mémoire de maitrise sur la BRI, se joindra à nous en Chine.

Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur le projet New Silk Road?

En juin 2018, sur plus de 60 jours, nous parcourrons 16 000 kilomètres le long de la « ceinture économique » de Londres à Yiwu, une pièce maitresse au niveau stratégique et économique de l’initiative Belt Road en Chine. Notre expédition sera la première tentative du futur plus grand marché du monde – un lien de pouvoir, de culture et de commerce qui se trouve maintenant au cœur de la politique étrangère chinoise. Nous allons nous concentrer sur deux corridors clés; le nouveau couloir économique du pont terrestre eurasiatique et le couloir économique Chine-Asie centrale-Moyen-Orient. A travers des observations in situ , nous tenterons mieux comprendre l’intégration continue des infrastructures à travers l’Eurasie. Nous espérons pouvoir nous entretenir avec des leaders politiques, des chefs d’entreprise et des stratèges qui travaillent sur ces projets, avec les travailleurs qui les mènent à terme et avec la population locale dont la vie est affectée par la BRI. Nous emprunterons aussi certains passages de l’ancienne route de la Soie. Par exemple, en Iran, nous visiterons des sites de l’ancienne route de la Soie qui offrent une base extrêmement solide aux nouvelles routes.

Combien de temps allez-vous rester sur la route et quels pays allez-vous visiter?

Nous allons nous concentrer sur deux corridors clés; le nouveau couloir économique du pont terrestre eurasiatique et le corridor économique Chine-Asie centrale-Asie occidentale. Au cours de ces 60 jours, nous visiterons plus d’une douzaine de carrefours actuels et émergents de la Route de la soie. Nous traverserons ainsi le Royaume-Uni, la Belgique, les Pays-Bas, l’Allemagne, la Pologne, la Biélorussie, la Lettonie, la Russie, l’Ukraine, la Moldavie, la Roumanie, la Turquie, la Géorgie, l’Azerbaïdjan, l’Iran, le Turkménistan, la Kazakhstan, le Kirghizistan et la Chine. Dans ces pays, nous espérons dialoguer les responsables des parcs industriels, les terminaux intermodaux, les ports, les projets énergétiques et les projets ferroviaires renforçant l’intégration de l’Eurasie. Cela devrait augmenter les échanges et la connectivité en Eurasie. Mais il ne s’agira pas seulement d’infrastructures monumentales: il s’agit de la ré-émergence de l’Eurasie en un espace cohérent et contigu et de personnes dont la vie est bouleversée par la création de ce nouvel ordre mondial.

L’Initiative chinoise « Belt and Road » concerne le commerce et la logistique. Quelles sont les principales logistiques de votre projet? Comment allez-vous financer votre voyage? Avez-vous trouvé des partisans? Utiliserez-vous une plateforme de crowdfunding?

Je pense que la BRI est complexe et est actuellement une initiative très nébuleuse. Étant donné qu’aucune carte officielle n’a été publiée, qu’elle n’a pas de date d’achèvement et qu’aucune liste complète des projets futurs financés par la BRI n’est pas disponible, il est difficile de dire avec certitude quelles sont ses intentions précises. Bien sûr, le commerce et la logistique forment une dimension importante de ce projet, mais je pense que la BRI a aussi des objectifs stratégiques.

Créer un itinéraire et un calendrier précis était un défi. Bien que deux mois représentent une période considérable, ce temps est très court étant donné la diversité des sites que nous souhaitons étudier. Nous voulions trouver un équilibre entre la portée de l’engagement et la profondeur de notre compréhension des projets spécifiques. Sur le papier, il peut être très facile d’ajouter une autre  destination à quelques centaines de kilomètres du parcours initial, mais en réalité, cela rend l’expérience superficielle. Nos objectifs, à notre avis, sont réalisables.

Actuellement, nous finalisons les discussions pour l’acquisition d’un véhicule que nous espérons avoir dans les prochaines semaines. Nous participons aussi avec nos propres économies  au financement du voyage.

Est-ce votre première fois sur les routes de la soie?

Au cours de l’été 2016, j’ai parcouru une branche principale de l’ancienne Route de la Soie de Pékin à Téhéran (www.beijingtotehran.com). Ce nouveau projet est similaire dans le fait que nous allons parcourir les anciennes routes de la Soie mais il est aussi très différent. Pour notre premier voyage, nous avions l’intention de collecter de l’argent pour des associations et de devenir le plus jeune duo de cyclistes à parcourir ces 10 000 km. Nous étions ravis d’atteindre ces objectifs en moins de quatre mois. Cependant, le fait d’être en mesure d’observer les changements et les développements dans les régions que nous avons traversées a inspiré la réalisation de ce nouveau projet. Ce voyage nous a permis de percevoir le rythme des changements en cours. Cela a été particulièrement frappant en Asie centrale, notamment avec la rénovation des routes au mont Tian Shan et par des installations électriques le long de la frontière tadjiko-afghane. Will, avec qui j’ai fait ce voyage à vélo, se joindra à moi pour la partie européenne de notre projet.

La BRI signifie de nouvelles opportunités commerciales en Asie centrale, mais les impacts sur les populations locales n’ont pas encore été étudiés. Avez-vous l’intention de rencontrer les habitants des régions traversées et de discuter avec eux de la BRI?

Oui, nous espérons avoir une meilleure appréhension de ce sujet. En effet, l’une des accusations portées contre la BRI est qu’elle ne dispose pas d’un cadre juridique et éthique complet. Bien que les tribunaux de la Route de la Soie, récemment créés, constituent peut-être un pas en avant dans ce sens, beaucoup ont fait valoir qu’ils favorisaient les intérêts chinois.

Avez-vous l’intention de continuer à vous intéresser à la BRI lorsque vous retournerez en Angleterre?

À certains égards, c’est un sujet que j’aimerais approfondir.

Pensez-vous que la BRI est suffisamment couverte par les médias en Europe?

Comme vous l’avez mentionné, la couverture de l’IRB est en augmentation et commence à gagner une attention comparable à celles d’autres projets de développement internationaux. Dans des publications plus spécialisées comme la vôtre et celles consacrées à la diplomatie, la couverture de la BRI est certainement plus complète que dans la presse grand public. Je pense que cela va continuer à augmenter. Si l’Europe occidentale choisit de poursuivre une relation plus étroite dans le cadre de la BRI, je suis sûr que cela participera à augmenter l’exposition à ce projet intercontinental.

 

Charles Stevens est le fondateur du projet New Silk Road. Si vous souhaitez obtenir de plus amples informations sur ce projet, rendez-vous sur www.thenewsilkroadproject.com ou envoyez un e-mail à info@thenewsilkroadproject.com.

 

Le projet New Silk Road: entretien avec Charles Stevens
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