
Cet automne, plusieurs projets multilatéraux de connectivité ont été annoncés. Ainsi, d’une part, en septembre 2019, l’Union Européenne et le Japon ont dévoilé leur Partenariat de Connectivité Durable et d’Infrastructure de Qualité, et d’autre part, les Etats-Unis en association avec l’Australie et encore le Japon ont annoncé le lancement du réseau « Blue Dot ». Ces initiatives ont été décrites comme de possibles alternatives à la BRI. Cependant, si on les étudie attentivement, nous pouvons constater que ces projets sont très différents de la BRI, et qu’ils sont encore très peu avancés.
Le réseau Blue Dot
Cette nouvelle initiative a été dévoilée par Wilbur Ross, Secrétaire au Commerce américain lors du forum des affaires de l’Indo-Pacifique qui s’est déroulé en marge du 35e sommet de l’ASEAN à Bangkok début Novembre 2019.
Ce projet réunira les Etats-Unis, à travers l’ « US Overseas Private Investment Corporation (OPIC) », le Japon avec la Banque Japonaise pour la Coopération Internationale et l’Australie avec le Département des Affaires Etrangères et du Commerce.
Contrairement, à la BRI, cette initiative n’a pas pour objectif de financer les infrastructures en Asie, mais d’évaluer les projets d’infrastructures. Les pays hôtes pourront faire appel à des experts désignés par les institutions impliquées dans le réseau « Blue Dot ». Le conseil pour la sécurité du Président américain, M. Robert O’Brien a décrit ce projet comme l’équivalent d’un guide Michelin pour les infrastructures.
Ce n’est pas la première tentative des Etats-Unis de contrer l’initiative « Belt and Road » , la BRI a été critiquée au plus haut niveau par l’administration Trump. Le réseau « Blue Dot » fait suite au discours de juillet 2018 du secrétaire d’état américain Mike Pompeo sur la création prochaine d’un programme de financement d’infrastructures à l’étranger. Un premier projet en Papouasie Nouvelle Guinée, financé par les Etats-Unis, le Japon et l’Australie avait déjà été décidé en juin 2019. Le lancement du réseau « Blue Dot », différent du programme précédent, montre que les Etats-Unis, le Japon et l’Australie n’ont pas encore décidé quel modèle adopter pour contrer la BRI, et donc leur proposition semble très tardive face à l’initiative chinoise. De plus, ce manque de visibilité pourrait décourager les investisseurs et porteurs de projets à s’intéresser au réseau « Blue Dot » de peur que ce programme change à nouveau.
Des critères subjectifs
L’une des faiblesses du réseau « Blue Dot », en dehors de son caractère assez vague tel qu’il a été dévoilé, réside principalement dans la subjectivité des critères utilisés. Les projets ne seront pas évalués suivant les standards internationaux, mais selon ceux des trois agences américaines, japonaises et australiennes, ce qui peut aboutir à des situations de conflits d’intérêts. Ces indicateurs favoriseront-ils l’implication de toutes les entreprises, et pas seulement celle des entreprises américaines, japonaises, et australiennes ?
Selon les premières informations, les critères du réseau « Blue Dot » devraient évaluer, entre autres, les droits de l’homme, la protection de l’environnement, les droits du travail, la transparence et les droits de propriété. Cet objectif est respectable, mais pour être valide, ses évaluations devraient être menées par des organismes entièrement indépendants.
Quelles conséquences pour la BRI ?
Bien que parfois présenté comme un projet concurrent à la BRI, le réseau « Blue Dot » n’est pour l’instant qu’à ses débuts. Il faudra du temps pour que les premiers projets voient le jours, alors que la BRI est aujourd’hui bien avancée. Ce plan nécessitera aussi une forte coordination entre des états qui peuvent avoir des intérêts différents dans la région. Le Japon, par exemple, est aussi impliqué dans le projet européen de connectivité durable et dans le corridor de croissance Asie Afrique (qui ne semble pas avancé à ce jour), tout en participant dans certains projets de la BRI. Nul doute que les entreprises japonaises se montreront très réticentes à un réseau « Blue Dot » qui menacerait leurs intérêts dans des projets BRI.
Aux vues des premières informations concernant le réseau « Blue Dot », cette initiative ne fournit pas les solutions financières pour développer les projets d’infrastructures dans les pays hôtes. L’un des avantages de la BRI est justement d’offrir une solution globale comprenant à la fois le financement, la construction et la formation, ce qui permet à des pays émergents d’avoir une meilleure compréhension des projets qu’ils développent.
Il est vrai que la BRI a été critiquée pour certains problèmes d’endettements dans les pays les plus fragiles économiquement. Le réseau « Blue Dot » se présente comme un moyen d’éviter les emprunts trop élevés que la Chine aurait accordés.
Cependant cette vision de la BRI n’est plus d’actualité. Si à leurs débuts, des projets de la BRI ont pu être regardés comme trop dispendieux pour des états en développement, cela n’est plus le cas aujourd’hui. D’une part, l’initiative BRI a évolué depuis son lancement, et certaines de ses faiblesses ont été remédiées. D’autre part, les états hôtes ont montré leur capacité à renégocier le financement de projets liés à la BRI, c’est par exemple le cas de la Malaisie.
De plus, ce serait une erreur de croire que la Chine espère renforcer son influence à travers des emprunts que les états hôtes ne peuvent rembourser, car de tels problèmes nuiraient à l’image de la BRI et inciteraient les autres états à s’éloigner de la Chine.
Enfin, la supposition faite par les initiateurs du réseau « Blue Dot » que la BRI manque de transparence et ne respecte pas de standards de qualité est fausse. Si les projets liés à la BRI continuent d’être en partie financés par des prêts accordés par des banques d’état chinoises, ces projets dépendent de plus en plus d’investissements privés, et sont donc de plus en plus transparents.
Il faut espérer que les états en développement n’aient pas à choisir entre le réseau « Blue Dot » et la BRI, mais que ce nouveau programme devienne un outil parmi d’autres pour ces états qui ont cruellement besoin d’infrastructures, comme le note la Banque Asiatique de Développement.
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