par Dr. Sébastien Goulard
Dans une récente interview accordée à Politico, le Premier Ministre estonien Kaja Kallas a souligné le manque de coordination entre les programmes de connectivité soutenus par l’Occident pour concurrencer l’initiative chinoise « Belt and Road ». Pour le Premier Ministre Kallas, le réseau « Blue Dot » américain, l’« Initiative des trois mers » d’Europe centrale et d’autres programmes de connectivité régionale doivent être connectés ensemble.
La fracture européenne
Pour le Premier Ministre Kallas, l’UE elle-même doit investir davantage dans ses propres infrastructures car de fortes inégalités subsistent entre l’Europe occidentale et les anciens pays socialistes d’Europe centrale. L’UE a déjà mis en œuvre certains programmes pour résoudre ce problème, avec par exemple le réseau transeuropéen de transport (TEN-T), mais les économies d’Europe centrale plaident pour une intensification de ces efforts. Le besoin d’infrastructures avancées en Europe centrale peut, paradoxalement, ralentir les projets de connectivité mondiale de l’UE, car les membres d’Europe centrale peuvent être réticents à voir l’UE consacrer plus de ressources aux pays non européens.
Concurrencer la Chine ?
Le Premier Ministre estonien a également noté que la Chine avait réussi à donner une image forte à son programme de connectivité (l’initiative « Belt and Road ») tandis que d’autres pays avaient du mal à populariser leurs projets.
Le réseau « Blue Dot » américain et le « Global Gateway » européen annoncé par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, dans son discours sur l’état de l’Union de 2021, visent clairement à concurrencer l’initiative chinoise BRI. Le récent différend entre la Chine et la Lituanie a poussé certains pays de l’UE à revoir leur politique avec Beijing et à reconsidérer leur participation à la BRI. Bien que l’UE et la Chine soient d’importants partenaires commerciaux, il existe un certain degré de méfiance entre les deux puissances, et la BRI de la Chine a été critiquée en Europe.
L’initiative « Belt and Road » n’est pas parfaite et souffre de nombreux défauts en ce qui concerne sa gouvernance et la protection de l’environnement, comme nous l’avons déjà mentionné dans des articles précédents, mais la BRI a changé au fil des ans. La participation croissante d’institutions financières non chinoises et l’adoption de critères internationaux de gouvernance par les banques chinoises ont rendu certains projets BRI plus transparents et inclusifs, même si certains efforts restent à faire.
Ce serait une erreur de la part de l’UE de lancer une initiative qui concurrencerait frontalement la BRI chinoise. Cela empêcherait davantage les entreprises européennes d’être actives dans les projets BRI ; cela alimenterait également la concurrence pour le leadership en matière de standards et de normes mondiales. La concurrence peut également créer de nouvelles frontières entre les pays qui ont adhéré à la BRI et ceux qui ne l’ont pas fait.
Le Sommet Numérique de Tallinn
Le commentaire du Premier Ministre Kaja Kallas sur la BRI a été prononcé quelques jours avant le Sommet Numérique de Tallinn. Cet événement, qui s’est tenu le 7 septembre, avait pour thème principal « Trusted Connectivity » et portait sur la dimension numérique des programmes « Three Seas Initiative », « Blue Dot Network » et « Build Back Better ».
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