par Dr. Sébastien Goulard

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En mars 2021, le gouvernement du Monténégro dirigé par le Premier ministre Zdravko Krivokapić a demandé à l’Union européenne de l’aider à rembourser un prêt d’un milliard de dollars à la Chine. Mais la porte-parole de la Commission européenne, Ana Pisonero, a rejeté cette proposition. Le projet autoroutier du Monténégro n’était probablement pas une bonne option, il fragilise l’économie du petit pays et sape la viabilité des projets de la BRI en Europe.

L’autoroute Bar-Boljare

En 2014, le Monténégro a confié à China Road and Bridge Corporation (CRBC) la construction d’une autoroute qui relierait le Monténégro à la Serbie et créerait de nouvelles opportunités pour les investisseurs.

Ce premier projet a été planifié dans les années 2000 sous la direction du premier ministre Milo Đukanović, mais selon plusieurs études de faisabilité, cette route n’était pas économiquement viable en raison de la construction de plusieurs ponts et tunnels. Cependant, par la suite, une nouvelle étude de faisabilité a déclaré que le projet était viable et, en 2014, le parlement monténégrin a approuvé sa construction.

La construction a été confié à CRBC en 2014, et financée à travers un prêt de 1,59 milliard de dollars US contracté auprès de China Exim Bank (pour financer 85% de la première section, à 2% d’intérêt pour les 20 prochaines années). En raison de difficultés imprévues, la construction a souffert de retards et l’autoroute n’est toujours pas terminée.

La construction elle-même est réalisée par des ouvriers chinois avec des matériaux en provenance de Chine.

Un défaut possible?

En raison des retards, les coûts ont augmenté et le gouvernement monténégrin, qui avait mal négocié cet accord, pourrait bientôt faire face à un défaut de paiement. La crise de  la Covid19 a encore détérioré l’économie du pays qui dépend largement de son secteur du tourisme.

L’impossibilité du Monténégro de rembourser ce prêt dégraderait davantage son économie et retarderait son intégration à l’Union européenne.

L’UE a déjà annoncé qu’elle ne financerait pas ce prêt car le Monténégro l’a contracté auprès de la Chine. Cependant, l’UE peut encore aider le Monténégro en offrant des subventions spéciales et des prêts préférentiels de la Banque Européenne d’Investissement pour rembourser les prêts contractés auprès des banques chinoises.

Le Projets BRI dans un pays européen à revenus intermédiaires supérieures

Ce n’est pas la première fois que les projets chinois de la BRI sont critiqués pour d’éventuels problèmes d’endettement. Au Sri Lanka, le développement du port de Hambantota par des entreprises chinoises a pesé sur l’économie nationale et Colombo a dû louer ce port à une entreprise chinoise pour payer les emprunts contractés. Cependant, la plupart des pays en développement souffrent d’un niveau d’infrastructures insuffisant et doivent offrir de nouvelles infrastructures à leur population croissante. Au fur et à mesure que ces pays se développent, ils peuvent rembourser les prêts qu’ils ont contractés auprès des institutions financières chinoises de la BRI.

Le cas de l’autoroute monténégrine montre certaines limites de la BRI dans les pays européens. Le Monténégro n’est pas membre de l’UE bien qu’il pourrait bientôt y adhérer et peut être considéré comme une économie à revenus intermédiaires supérieurs. Mais le Monténégro a une faible population (622 000 habitants), et cette population n’augmente pas. Le Monténégro est récemment devenu une destination touristique majeure et a accueilli environ 2,6 millions de visiteurs en 2019. Le Monténégro est assez différent des autres pays qui accueillent de grands projets de la BRI, car il ne peut être considéré comme un pays émergent et ne bénéficiera pas d’une forte croissance économique.

Un projet BRI dépassé

Il est important de noter que ce projet d’autoroute a été planifié pour la première fois dans les années 2000 avant le lancement effectif de la BRI et que ce projet ne répond pas aux critères actuels de l’initiative « Belt and Road ». Il a été critiqué non seulement pour ses coûts élevés, mais aussi pour son impact sur l’environnement. Le projet de construction confié à la CRBC sans appel d’offres montre également les faibles normes de gouvernance adoptées par le gouvernement monténégrin à l’époque.

Le choix de la Chine

Le dilemme du Monténégro pourrait bientôt devenir aussi le dilemme de la Chine. L’ambassade de Chine à Podgorica a rejeté les critiques à propos de ce projet et a indiqué que le taux d’intérêt de 2% sur ce prêt de 994 milliards dollars ne menaçait pas l’économie monténégrine.

Selon l’accord signé entre le Monténégro et CRBC en 2014, dans le cas où le Monténégro ne rembourserait pas ce prêt, la Chine pourrait se voir accorder un droit d’accès au territoire monténégrin et d’y développer des projets sans l’avis du gouvernement monténégrin.

La Chine peut également envoyer un mauvais signal aux autres pays intéressés par le développement de projets d’infrastructure avec la Chine et confirmer la position agressive des entreprises chinoises à l’étranger.

Le petit État du Monténégro pourrait devenir un échiquier majeur entre l’Union européenne et la Chine. Dans le contexte actuel de tensions entre Bruxelles et Beijing, la question des prêts du Monténégro peut être utilisée par la Chine comme un levier pour accroître son influence sur l’UE.

Cependant, si la Chine décidait de réviser ses positions contractuelles avec le Monténégro, Beijing  serait considéré comme un partenaire fiable dans les Balkans et en Europe, et les projets de la BRI deviendraient plus attractifs pour les pays européens et les autres.

Le dilemme de la dette du Monténégro: une opportunité pour améliorer la BRI?
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