Le groupe émirati DP World a porté plainte contre China Merchants Port Holdings devant la Haute Cour de Hong Kong.
En novembre 2018, le groupe DP World a confirmé avoir lancé une action contre China Merchants devant la cour de Hong Kong pour avoir construit une zone franche dans un terminal de Djibouti disputé entre le gouvernement de Djibouti et DP World.
En février 2018, les employés de DP World ont été forcés par les autorités de Djibouti de quitter le terminal de Doraleh que DP World gérait depuis 2006 pour une concession de 30 ans. Fin juillet 2018, la cour internationale d’arbitrage de Londres donnait raison à DP World concernant son éviction du terminal de Doraleh.
Les autorités de Djibouti justifient la saisie de ce terminal par le fait que DP World sous-utiliserait ce port au profit de celui de Berbera (très proche de Djibouti) dans le Somaliland dont ils sont le premier actionnaire.
DP World se tourne maintenant vers China Merchants, qui possèdent 23,5% du capital de l’entreprise Port de Djibouti SA.
Certains médias ont considéré ce différent comme un nouvel obstacle à la réalisation de la BRI, faisant suite à la remise en question des grands projets ferroviaires en Malaisie. Cependant, au contraire ce nouvel épisode, pourrait aussi témoigner, de manière paradoxale, de l’avancée du projet des nouvelles routes de la soie et de sa “normalisation”.
Tout d’abord, cet épisode ne remet pas en cause la participation de DP World dans l’initiative « Belt and Road ». DP World gère de nombreux terminaux et zones franches sur tous les continents, et même en Chine (à Hong Kong, Tianjin, Qingdao, Shanghai, Shenzhen et Yantai).
En mars 2018, ce conglomérat est devenu l’actionnaire majoritaire de la zone économique spéciale de Khorgos à la frontière sino-kazakhe (51%) et 49 % de celle d’Aktau sur la mer Caspienne, deux hubs de la route de la Soie au Kazakhstan.
DP World est aussi associé à un autre groupe chinois de gestion portuaire COSCO Shipping Ports qui est très impliqué dans la BRI (COSCO gère ainsi le port du Pirée en Grèce).
D’autre part, cette dispute montre aussi que les entreprises d’état ont leur propre logique et se comportent comme des entreprises privées. La Chine et les Emirats Arabes Unis entretiennent d’excellentes relations, les EAU sont très impliqués dans la BRI. China Merchants comme COSCO sont des entreprises d’état chinoises qui sont concurrentes sur les nouvelles routes de la Soie, et de son côté, DP World est la propriété du gouvernement de Dubaï. La participation des entreprises d’état n’est donc pas un obstacle au succès de la BRI.
Dans le cas où cette affaire serait jugée à Hong Kong, la décision de la cour serait difficilement applicable à Djibouti. Ce pays n’ayant pas signé d’accord judiciaire avec Hong Kong. Un nouveau procès devrait alors se tenir à Djibouti. Cette affaire souligne la nécessité de développer la coopération judiciaire le long des nouvelles routes de la Soie.
Après avoir construit les ports et les routes nécessaires à la BRI, la priorité doit être donnée au droit et aux règles régissant les échanges le long des nouvelles routes de la Soie. Cette nouvelle étape devrait prendre plus temps car elle touche à des questions plus politiques de souveraineté, et demande donc une forte implication des états de la BRI. En janvier 2018, la Chine avait annoncé son projet de créer des tribunaux spéciaux pour régler les conflits commerciaux entre parties de la BRI. Si cette mesure a suscité une certaine méfiance au sein des entreprises étrangères, le cas DP World vs China Merchants nous montre que la Chine et les autres membres de la BRI devront travailler ensemble pour développer des instruments légaux communs à leurs disputes commerciales.
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