par Dr. Sébastien Goulard
Alors que la construction du chemin de fer Chine-Laos avance à grands pas et doit être inaugurée fin 2021 ; à la fin du mois d’octobre, la Chine et la Thaïlande ont signé un premier contrat portant sur la construction d’une ligne à grande vitesse de 252 km entre Bangkok et Nakhon Ratchasima. Ce segment devrait être achevé d’ici 2026 et desservira six gares (Bang Sue Grand, Don Muang, Ayutthaya, Saraburi, Pak Chong et Nakhon Ratchasima) avec des trains circulant à une vitesse atteignant près de 250 km/h.
Un premier contrat
Les parties prenantes de ce contrat sont “State Railway of Thailand”, “China Railway Company” et “China Railway Design” ; le Premier ministre thaïlandais Prayut Chan-o-cha a présidé la cérémonie de signature et a déclaré que la Thaïlande était prête à renforcer la connectivité avec la Chine.
Il s’agit d’un contrat majeur estimé à 50,6 milliards de bahts (1,4 milliard d’euros) qui couvre l’achat des voies ferrés, de systèmes électriques, de wagons et la formation des employés. Mais la construction de l’ensemble du segment nécessite la signature de 14 contrats d’une valeur de 179 milliards de bahts (5 milliards d’euros).
Cette signature a été retardée de plusieurs mois, en raison de la pandémie de Covid19, de certains troubles politiques en Thaïlande et de longues négociations entre les parties chinoises et thaïlandaises concernant le financement du projet et la devise utilisée dans le contrat. Après negociations, 80% du financement sera effectué en dollars américains et les 20% restants en baht thaïlandais.
Négociations bilatérales et gains d’expérience pour la Chine
Pour Maria Siow (South China Morning Post), ce retard montre que, contrairement à certaines perceptions, les pays hôtes de la BRI ont un certain pouvoir dans les négociations bilatérales avec la Chine. Par conséquent, les projets de l’initiative “Belt and Road” ne doivent pas être perçus uniquement comme des projets chinois, ils ne sont pas imposés aux pays hôtes, mais résultent de négociations et d’accords entre deux pays pour favoriser leur coopération et accroître leurs échanges.
Les retards sont également dus au fait que les entreprises d’infrastructure chinoises apprennent encore à mener des projets à l’étranger. Les grands projets de construction d’infrastructures comme celui adopté en Thaïlande nécessitent une compréhension et une adaptation aux lois locales concernant la propriété foncière, ce qui rend ces projets assez complexes à développer. Avec la BRI, les entreprises chinoises acquièrent une expérience précieuse dans la conduite de projets à l’étranger.
Chine, Thaïlande et Asie du Sud-Est
Cette future ligne ne constituera qu’un court segment du train à grande vitesse Chine-Thaïlande. Un deuxième segment reliant Nakhon Ratchasima à Nong Khai à la frontière avec le Laos débutera lorsque la première phase sera achevée. La ligne relierait Kunming à Vientiane, Bangkok, et à l’avenir, Kuala Lumpur et Singapour. Elle fait partie de l’ambitieux projet de connectivité de la BRI entre la Chine et l’Asie du Sud-Est. Grâce à ce réseau ferroviaire, non seulement les Chinois se rendront facilement au Laos, en Thaïlande, au Cambodge et en Malaisie, mais les entreprises thaïlandaises, laotiennes et cambodgiennes auront plus d’opportunités pour développer leurs échanges dans la région de l’Asie du Sud-Est. Le chemin de fer BRI Chine-Asie du Sud-Est soutiendra la connectivité régionale.
Un développement ferroviaire et foncier en Thaïlande
La nouvelle ligne pourrait également aider les autorités thaïlandaises à planifier le développement de Bangkok. La capitale est confrontée à de nombreux problèmes en raison de son urbanisation massive. Grâce au nouveau train à grande vitesse, le trajet de Bangkok à Nong Khai ne prendra qu’environ 90 minutes (au lieu de huit heures). Avec des politiques urbaines adéquates, les autorités thaïlandaises peuvent utiliser cette ligne de chemin de fer pour décentraliser le pays et créer d’autres pôles économiques en dehors de Bangkok.
De nouvelles opportunités pour les PME
La construction ferroviaire en Thaïlande créera de nouvelles opportunités commerciales non seulement pour les grandes entreprises chinoises et thaïlandaises, mais aussi pour les PME locales, dans de nombreux secteurs tels que l’immobilier, le transport, la gestion des déchets, mais aussi le tourisme, la restauration.
Un projet ouvert aux entreprises étrangères
Cette ligne offrira pourra également ouvrir de nouvelles régions et villes aux entreprises et investisseurs étrangers et notamment européens. Par exemple, la région de Nakhon Ratchasima est l’un des principaux centres de production agricole de Thaïlande (pour le riz, le tapioca). De nouvelles infrastructures permettront aux entreprises étrangères et européennes d’explorer plus facilement la région et d’investir dans le secteur agroalimentaire. La Thaïlande a beaucoup à offrir, grâce à plusieurs initiatives de développement local telles que le Corridor Economique Oriental, qui abrite certaines des industries les plus innovantes de Thaïlande ; la nouvelle ligne ferroviaire accompagnera sûrement le développement régional en Thaïlande.
Le « Partenariat économique régional global » (Regional Comprehensive Economic Partnership) (RCEP) récemment signé par les pays de l’ANSEA, la Chine et l’Australie, le Japon, la Nouvelle-Zélande et la Corée du Sud stimulera certainement également les investissements dans les projets de connectivité en Asie du Sud-Est.
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