par Dr. Sébastien Goulard

This image has an empty alt attribute; its file name is afghanistan-oboreurope.jpg

L’Afghanistan connaît malheureusement une forte instabilité et est confronté à des attentats terribles comme celui qui a touché une école de filles de  Sayed ul-Shuhada à Kaboul le 8 mai 2021. L’annonce du retrait total des troupes américaines faite par le président Biden pour septembre 2021, est un nouveau défi pour le pays. Les institutions du pays vont-elles se maintenir et comment l’Afghanistan pourra-t-il enfin  connaître paix et prospérité ?

En 2016, un premier protocole d’accord sur la l’initiative « Belt and Road » (BRI était signé entre l’Afghanistan et la Chine. Depuis, plusieurs partenariats ont été conclus entre les deux pays. Cependant, les questions de sécurité menacent cette coopération. Les entreprises chinoises ont commencé à investir en Afghanistan, mais leur présence reste très limitée.

De nouvelles infrastructures pour une gouvernance plus forte ?

L’Afghanistan fait face à un défi majeur pour renouveler l’état de son réseau de transport. Des efforts considérables ont été déployés pour reconstruire les routes afin de mieux relier les villes entre-elles, mais le réseau peut encore être amélioré. L’autoroute Kaboul-Kandahar nécessite de lourdes rénovations, car elle a malheureusement été construite avec des matériaux de mauvaise qualité. De nombreuses routes ne sont pas bien entretenues en raison du manque de sécurité.

La plupart des villes afghanes, dont Kaboul, subissent régulièrement des coupures de courant. Le pays produit seulement une fraction de l’électricité qu’il consomme et doit importer l’essentiel depuis l’Ouzbékistan.

En Afghanistan, le développement ne dépend pas uniquement des ressources financières. Le pays dépend fortement de l’aide internationale et a reçu des milliards de dollars depuis 2001. Lors de la Conférence internationale des donateurs sur l’Afghanistan qui s’est tenue en novembre 2020, les pays étrangers ont promis 12 milliards de dollars pour les quatre prochaines années. Mais la corruption et le manque de coordination restent des obstacles importants au développement. Cependant, après le retrait des États-Unis d’Afghanistan, les pays occidentaux pourraient reconsidérer leur aide si les talibans dirigent le pays.

Avec une plus forte participation de l’Afghanistan au sein de la BRI, les projets locaux pourraient être mieux gérés. Cependant, la Chine ne construira et ne financera pas de grands projets d’infrastructure (tunnels, chemins de fer ou barrages) dans un avenir proche en raison de problèmes de sécurité. Fin juin, Pékin a demandé à ses ressortissants de quitter le pays.

L’Afghanistan et le CECP

La stabilité du pays est un enjeu international et peut avoir des conséquences sur le futur de l’initiative chinoise de la « Belt and Road », et notamment sur l’un de ses corridors les plus importants qu’est le Corridor Economique Chine Pakistan (CECP).

Une dégradation de la situation sécuritaire en Afghanistan pourrait déborder sur les régions voisines au Pakistan. Ce pays doit malheureusement déjà faire face à un risque terroriste élevé, notamment contre les intérêts chinois présents et les projets du CECP, principalement à Karachi (attaque de la bourse en juin 2020) et dans le Baloutchistan.

Le 3 juin 2021, s’est déroulé par écrans interposés, le 4e sommet trilatéral Chine-Pakistan-Afghanistan entre le Conseiller d’Etat et ministre des Affaires Etrangères chinois Wang Yi, le ministre des Affaires Etrangères afghan Mohammad Haneef Atmar, et son homologue pakistanais Shah Mahmood Qureshi. Les trois ministres se sont mis d’accord pour renforcer la coopération et lancer des projets en commun. Le port Gwadar dans le sud du Pakistan est une pièce importante de cette coopération. Des marchandises sont déjà envoyées à Gwadar, et de là  transportées en Afghanistan. Le développement de nouvelles infrastructures au Balochistan devrait permettre de mieux connecter l’Afghanistan au monde, et ainsi réduire les coûts d’importation.  

Une porte vers l’Asie centrale

Mais pour la Chine et le Pakistan, un Afghanistan sécurisé donnera également un meilleur accès aux zones les plus isolées de l’Asie centrale. Les entreprises pakistanaises et chinoises font la promotion de Gwadar comme prochain hub énergétique pour le gaz d’Asie centrale, et de nouveaux gazoducs sont en construction. Pour que ce projet se réalise, la stabilité doit être assurée en Afghanistan. Pour les pays d’Asie centrale, la liaison afghano-pakistanaise réduira leur dépendance vis-à-vis de la Russie et raccourcira la distance avec leurs clients en Asie.

Début juin, le président pakistanais Arif Alvi a invité les membres de l’ECO (Organisation de coopération économique) : l’Afghanistan, l’Azerbaïdjan, l’Iran, le Kazakhstan, le Kirghizistan, l’Ouzbékistan, le Tadjikistan, le Turkménistan, la Turquie, à rejoindre le CECP et à développer ensemble des projets de connectivité. Cependant, il peut y avoir une concurrence entre l’Iran et le Pakistan concernant les importations de gaz en provenance d’Asie centrale.

Il est très probable que la Chine va augmenter sa présence en Afghanistan, non seulement pour soutenir l’économie très fragile mais aussi pour protéger les investissements de la Chine au Pakistan voisin. Un CPEC fort ne peut pas se produire avec un Afghanistan faible.

L’Afghanistan au cœur de la stratégie des nouvelles routes de la Soie ?
Étiqueté avec :                            

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*