par Dr. Sébastien Goulard
Le 23 mars 2021, un porte-conteneurs géant s’est retrouvé coincé dans le canal de Suez, passage hautement stratégique, bloquant l’une des voies navigables les plus fréquentées au monde. Il faudra peut-être plusieurs semaines pour déloger le navire Ever Given de la compagnie Evergreen d’une longueur de 400 mètres et permettre à d’autres navires de traverser le canal. Cet accident met en évidence la dépendance du monde vis-à-vis du canal de Suez et montre que l’initiative « Belt and Road » doit être une priorité absolue pour développer de nouvelles routes commerciales alternatives.
Le canal de Suez et le commerce mondial
Depuis son inauguration en 1869, le canal de Suez est l’une des voies navigables les plus importantes, reliant l’Europe à l’Asie. Plus de 9,6 milliards de dollars de marchandises transportées traversent le canal de Suez chaque jour.
Une grande partie du pétrole et du gaz importés de la région du Golfe vers l’Europe traverse le canal de Suez. Selon l’agence Reuters, « en 2020, l’Europe a importé 550 000 b/j de brut de sources situées à l’est de Suez ». Des pétroliers transportant du pétrole depuis le Kazakhstan, l’Azerbaïdjan, et la Russie vers l’Asie attendent également à l’entrée du canal. Le blocage du canal de Suez pourrait créer une instabilité des prix du pétrole pour les semaines à venir.
Détroits et commerce mondial
Le canal de Suez n’est pas le seul point d’étranglement du commerce maritime. Le canal de Suez, le canal de Panama, le détroit de Malacca et le détroit d’Ormuz sont des passages stratégiques qui servent de plaques tournantes pour les voies de navigation. Les blocages accidentels comme celui que l’on connait actuellement au canal de Suez ne sont pas les seules menaces qui pèsent sur le commerce maritime. La piraterie, le terrorisme ou les actes de guerre dans ces points d’étranglement peuvent perturber le commerce mondial. C’est la raison pour laquelle certains pays promeuvent et construisent des itinéraires alternatifs pour réduire les risques. On peut par exemple citer le canal de l’isthme de Kra qui pourrait être construit en Thaïlande.
C’est également l’une des motivations de la Chine à mettre en place l’initiative « Belt and Road ».
L’initiative Belt and Road comme réseau d’itinéraires alternatifs
La Chine est devenue la plus grande puissance commerciale au monde et la sécurité des routes commerciales est devenue une préoccupation majeure. L’Initiative « Belt and Road » (BRI) lancée par le président Xi Jinping en 2013 vise principalement à stimuler le commerce entre la Chine et le reste du monde, mais un autre objectif est de créer de nouvelles routes. La plupart des échanges en provenance et à destination de la Chine se font par des routes maritimes, mais avec la BRI, la Chine investit dans de nouvelles routes continentales qui relient le sud de la Chine à l’Asie du Sud-Est et la Chine occidentale à l’Asie centrale, au Pakistan et à l’Europe. Grâce à la BRI, de nouvelles lignes ferroviaires parcourent l’Eurasie. La principale voie relie les provinces chinoises à l’Union européenne via le Kazakhstan, la Russie et la Biélorussie, mais d’autres lignes existent comme entre le Xinjiang et la Turquie ou le corridor Chine-Mongolie-Russie.
Cependant, les lignes ferroviaires actuelles entre la Chine et l’Europe ont des capacités de transport limitées et ne peuvent pas transporter plus de 10% du total des échanges entre la Chine et l’Europe.
Concernant les routes maritimes, la Chine développe également la route polaire qui passerait de Dalian, Vladivostok, Mourmansk vers la Norvège. Le réchauffement climatique rendra cette route encore plus utile à l’avenir. Mais tout accident ou déversement de pétrole sur la route polaire serait une catastrophe environnementale.
Beijing est également en train de construire de nouveaux couloirs qui éviteraient certains des points d’étranglement les plus stratégiques. Par exemple, le Corridor Economique Chine-Pakistan avec le port de Gwadar raccourcira les trajets depuis le Moyen-Orient vers la Chine en évitant le détroit de Malacca.
Construire de nouvelles routes
Le blocage du canal de Suez nous montre que le développement de nouvelles connexions est une priorité pour éviter les perturbations commerciales. La Chine continue de développer de nouvelles alternatives. Le récent accord stratégique de 25 ans signé par la Chine et l’Iran stimulera la connectivité dans les régions du Moyen-Orient et de l’Asie centrale grâce à d’importants investissements dans les transports.
Malgré certaines tensions, l’Union européenne et la Chine devront continuer à travailler ensemble pour développer de nouvelles routes, et en particulier des routes continentales, qui rendront les deux régions moins dépendantes au canal de Suez. De nouvelles liaisons ferroviaires devront être développées entre l’UE, la Russie et la Chine.
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