par Dr. Sébastien Goulard

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Le format 17+1 lancé en 2012 fait face actuellement à quelques turbulences. En mars 2021, le ministre lituanien des affaires étrangères, Gabrielius Landsbergis a déclaré que l’initiative n’avait apporté pratiquement  aucun avantage à son pays.

La Lituanie n’est pas le seul pays à avoir été déçu par le format 17 + 1. Lors de la dernière réunion virtuelle tenue le 9 février, plusieurs pays : la Bulgarie, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Roumanie et la Slovénie n’ont pas envoyé leurs plus hauts dirigeants (Président ou Premier Ministre) à la conférence, mais étaient représentés par des fonctionnaires de rang inférieur. Cela signifie-t-il que c’est la fin du format 17+1, ou que ce mécanisme doit s’adapter à un nouveau contexte?

L’Europe centrale et orientale et Chine

Les Pays d’Europe Centrale et Orientale (PECO) étaient pendant très enthousiastes pour renforcer leurs relations avec la Chine. En effet, tous les PECO ont rejoint l’initiative « Belt and Road » en 2015. Pendant ces premières années, le format 17+1 a été considéré comme un succès et a attiré d’autres pays. En 2019, la Grèce, qui n’était pas initialement incluse dans l’initiative, a rejoint le format 16+1 (qui est logiquement devenu le format 17+1). La même année, lors du deuxième forum BRI pour la coopération internationale, le chancelier autrichien Sebastian Kurz a exprimé son intérêt à rejoindre le format 17+1 pour faire de l’Autriche une plaque tournante entre l’Europe occidentale et centrale pour les projets chinois.

Des investissements privés limités

En rejoignant à la fois le 17+1 et la BRI, les PECO s’attendaient à une augmentation rapide des investissements de la Chine pour moderniser leurs industries et leurs infrastructures. Cependant, malgré les relations chaleureuses entre la Chine et les PECO, les flux d’investissements des entreprises privées chinoises ont été limités en Europe centrale, les investisseurs chinois préférant toujours accroître leurs activités en Europe occidentale pour acquérir des marques emblématiques de renommée mondiale (par exemple le Club Med en France, ou Volvo en Suède) et pour accéder à des marchés plus importants. La participation au format 17+1 n’a pas transformé les PECO en un aimant pour les investissements chinois.

Quelques obstacles à la BRI de la Chine en Europe centrale et orientale

Lorsque la Chine et les PECO ont lancé le format 17+1, les deux parties s’attendaient à des résultats rapides, mais les projets Chine-Europe centrale se sont lentement développés et la BRI a rencontré quelques obstacles.

L’Europe centrale et orientale est une région stratégique pour la Chine qui la voit comme un marchepied au marché de l’UE. En 2016, la société chinoise COSCO a acquis une participation majoritaire dans le port du Pirée en Grèce. La Chine espérait donc relier ce port à l’Europe centrale et occidentale par une nouvelle ligne de chemin de fer. Un premier tronçon était prévu entre Belgrade (Serbie) et Budapest (Hongrie), mais la construction a été retardée et le projet n’était initialement pas conforme à la réglementation européenne. Les entreprises chinoises ont découvert que la préparation de projets dans l’UE prenait beaucoup de temps.

De plus, contrairement à certains pays en développement, les PECO ont accès à un soutien financier important par le biais du mécanisme d’intégration de l’UE et sont donc moins enclins à rechercher l’aide financière des institutions chinoises.

Existe-t-il un bloc Europe centrale et orientale?

Le format 17+1 a été créé en partant du principe que les PECO partageaient les mêmes intérêts vis-à-vis de la Chine et étaient disposés à travailler ensemble pour renforcer la coopération sino-européenne. Mais la réalité est différente.

De grandes disparités

Premièrement, les PECO sont très différents les uns des autres. Bien qu’ils partagent certaines caractéristiques communes en raison de leur histoire récente et du fait qu’ils étaient tous d’anciens pays socialistes (à l’exception de la Grèce), leurs stades de développement sont variés et la crise de la Covid19 risque d’aggraver ces disparités. En raison de la crise sanitaire actuelle, selon le FMI, la République tchèque dépasse désormais l’Espagne en termes de PIB par habitant. La division entre l’Europe occidentale et centrale est de moins en moins évidente. L’écart entre des pays comme la République tchèque (40 293 dollars PPA), l’Estonie (37 033 dollars), la Lituanie (38 605 dollars) et la Bosnie-Herzégovine (14 895 dollars), l’Albanie (13 651 dollars), -tous ces pays étant membres du format 17+1-, est important. Par conséquent, il est difficile pour les PECO et la Chine de développer une approche unique de leurs relations, car les membres du PECO n’ont pas les mêmes attentes concernant les projets chinois.

Un manque de coordination

Bien qu’il existe des initiatives régionales pour renforcer la connectivité dans la région d’Europe centrale et orientale, comme l’initiative des 3 mers ou le groupe de Visegrad, la coordination entre les PECO est encore faible. Cela empêche le développement de grands projets Chine-PECO, car chaque pays d’Europe centrale et orientale espère uniquement d’éventuels investissements chinois sur son propre territoire. Les PECO peuvent se comporter comme des concurrents pour attirer l’attention de la Chine.

Membres et non-membres de l’UE

Le format 17+1 rassemble également des pays de l’UE et des pays tiers, ce qui rend difficile pour la Chine de développer une approche commune. À mesure que l’intégration avec l’UE s’approfondit, la division entre l’Europe occidentale et centrale est de moins en moins pertinente. Il n’est pas surprenant que les projets BRI de la Chine progressent plus rapidement dans des pays européens non membres de l’UE comme la Serbie.

Bien que certains PECO membres de l’UE puissent être frustrés par l’influence des pays d’Europe occidentale (principalement l’Allemagne et la France) sur les institutions de l’UE, ils comprennent que le dialogue UE-Chine est la clef pour renforcer les relations avec la Chine. Les pays de l’UE bénéficieront du récent accord global UE-Chine sur les investissements ou de l’accord UE-Chine sur les indications géographiques.

Par conséquent, il est difficile pour les membres du PECO d’imaginer ce qui peut être réalisé grâce au format 17+1, car les décisions les plus importantes sont prises au niveau bilatéral entre Bruxelles et Pékin.

Le format 17+1 imaginé par la Chine est devenu moins pertinent et pourrait être modifié à la prochaine session. Mais cela ne signifie pas que la relation entre l’ECO et la Chine s’affaiblit, cela veut dire simplement que la distinction entre l’Europe occidentale et centrale a commencé à s’estomper. La relation entre la Chine et l’UE (Europe occidentale et Europe centrale) reste forte.

Le format 17+1 est-il encore adapté?
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