par Natasha Fernando et Vijay Prasad Jayshwal
Le Népal est un pays sans littoral. Il partage des frontières avec ses deux grands voisins que sont l’Inde et la Chine. Le pays est très populaire parmi les touristes pour les treks dans l’Himalaya qui forme une barrière entre le plateau tibétain et le sous-continent indien. Cette position géographique du Népal fait du pays un état tampon interposé entre les rivalités sous-systémiques de la Chine et de l’Inde. À cause de quelques incidents frontaliers, la perception d’une menace sino-indienne a émergé à partir du début des années 1960. L’OBOR offre au Népal une opportunité unique pour briser son isolement et renforcer sa connectivité.
Les relations Népal-Chine
Les relations entre le Népal et la Chine sont très anciennes, et sont nées de liens religieux avec la visite de moines et d’érudits au début du Ve siècle. Les relations diplomatiques officielles entre les deux pays ont été établies en 1955. Elles sont basées sur les cinq principes de coexistence pacifique: amitié, compréhension, soutien mutuel, coopération et respect mutuels. Les deux pays ont officialisé leurs relations le 1er août 1955. Depuis l’établissement des liens économiques et commerciaux en 1956, la Chine a accordé au Népal des dons, des prêts sans intérêt et des prêts à taux préférentiel. Le premier accord sur l’aide économique entre la Chine et le Népal, signé en 1956 couvrait la construction d’infrastructures, des projets hydroélectriques, la santé et l’éducation, etc.
Lorsque Beijing a lancé l’initiative « Belt and Road » en 2013, Katmandou n’y a pas répondu tout de suite. En 2017, le ministre népalais des Affaires étrangères Shanker Das Bairagi et l’ambassadeur de Chine au Népal, Yu Hong ont enfin signé le protocole d’entente sur BRI entre le Népal et la Chine.
La proximité géographique de la Chine et de l’Inde continue de déterminer la politique étrangère du Népal. Selon Rama Kant, l’affinité culturelle et l’économie ne sont pas les seules facteurs déterminants les relations entre le Népal et la Chine. Il n’y a pas au Népal de communauté chinoise assez puissante pour influencer les décisions de l’Etat et d’autre part, le Népal est un marché relativement petit pour les produits chinois. Au Népal, les relations avec la Chine et l’Inde dépendaient largement de la scène politique nationale. La Chine a pendant longtemps soutenu la monarchie népalaise qui avait l’appui de certaines factions communistes. D’autre part, le parti du Congrès népalais était un parti soutenu par l’Inde et s’opposait aux communistes. La monarchie a été renversée en 2008 et aujourd’hui le Népal est un état fédéral à trois niveaux qui a une politique étrangère non alignée inscrite dans les principes directeurs de l’Etat et de la Constitution.
Les Projets de BRI au Népal
Parce qu’il s’agit d’un état enclavé, le Népal a besoin de renforcer sa connectivité. Pour assurer ses échanges commerciaux et son développement. Grâce à l’OBOR, le Népal pourra saisir de nouvelles opportunités s’agissant du commerce, des entreprises, du tourisme et des investissements. Le cadre de la BRI au Népal peut devenir un catalyseur pour son développement.
La Chine a mené des investissements dans des projets de routes et de chemins de fer. D’autres opportunités d’investissement peuvent être trouvées dans le secteur de l’énergie, du tourisme, la création de zones franches et l’irrigation avec 35 projets coordonnés par un bureau de conseillers commerciaux à Katmandou.
Le Népal partage une frontière de 1415 km avec la Chine. Entre la Chine et le Népal, il y a 18 points de passage frontaliers utilisés comme routes commerciales principales : parmi ces points de passage, Kuti (Nyi-Lan), Kerrang (Ky-irong), sont les plus importantes. Les autres points de passage frontaliers importants sont Wollangchung, Khumbu, Tukuche et Karnali. La route la plus importante et la plus difficile entre le Népal et la Chine passe par la ville frontalière de Rasuwa Gadhi-Kerong. Le développement d’infrastructures routières et ferroviaires pour desservir des destinations comme Rasuwa où se trouve le parc national du Langtang permettra un développement du tourisme.
Le projet de réseau de chemin de fer népalais
De nouvelles étapes pour le Népal
Selon le professeur Hari Jha, directeur exécutif du « Centre for Economic and Technical Studies » basé Népal, il n’est pas encore évident de savoir comme un état peu développé comme le Népal pourra rembourser les prêts chinois, notamment en des restrictions fiscales et monétaires de la Chine. La pandémie Covid-19 a un impact énorme sur l’économie mondiale ainsi que sur la BRI. Le cabinet Baker McKenzie et Silk Road Associates prévoit plusieurs scénarios possibles. Un de ces scenarios est que la Chine se concentrera sur la gestion des risques de perturbation des chaînes d’approvisionnement sur les marchés plus importants d’Asie du Sud-Est, promouvra les activités digitales menées par les entreprises chinoises de haute technologie, et facilitera la participation du secteur privé dans le financement de ces projets. Pour des pays comme le Népal, la participation d’institutions internationales comme la Banque Mondiale (BM), la Banque Européenne d’Investissement (BEI), et la Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement (BERD) dans le cofinancement des projets de la BRI permettra de réduire la dépendance à la Chine. Ces institutions multilatérales peuvent promouvoir certaines règles et normes pour améliorer la transparence de ces projets mais c’est au Népal de trouver des solutions pour attirer les investisseurs, notamment en adoptant de nouvelles mesures.
Le gouvernement du Népal a mené plusieurs changements législatifs pour réglementer les projets de la BRI notamment:
- Industrial Enterprise Act 2016
- Special Economic Zone Act 2016
- Policy for Intellectual Property Rights 2017
- Foreign Investment and One Window Policy Act 2015
- Public-Private Partnership Policy 2015
- Foreign Investment and Technology Transfer Act 2018
- Foreign Employment Policy 2012
- Foreign Investment Policy 2071
- Labor and employment Policy 2062
- Land Acquisition Resettlement and Rehabilitation policy for Infrastructure Development Projects 2014
- Private Financing in Build and Operation of Infrastructure Act 2006
D’autre part, le Népal a conclu un accord d’exonération de double imposition avec la Chine, ce qui contribue à réduire la charge fiscale pour matérialiser la BRI.
- Pendant longtemps, la politique étrangère népalaise était définie suivant les intérêts de l’Inde en raison d’un certain scepticisme envers la BRI dans les régions méridionales du Népal à cause des scepticismes de la BRI aux régions du sud du Népal. La division politique a également favorisé cette approche dans une certaine mesure, avec le parti du Congrès supportant une politique pro-indienne.
- Le Népal est un petit pays par sa population et son territoire ce qui bien sûr influence sa politique étrangère. Ces industries nationales ne sont pas en position favorable face aux produits et services étrangers surtout pour les marchés d’exportation dans le cadre de la BRI.
- Un autre aspect important de la mise en œuvre de la BRI au Népal concerne de possibles problèmes juridictionnels. Étant donné que la BRI implique de nombreux Etats et juridictions, des conflits peuvent en résulter. Il est donc nécessaire de mettre en place des mécanismes pour régler ces litiges.
Les tensions géopolitiques entre le Népal, l’Inde, la Chine devraient perdurer et impacter la BRI. Cependant, la recherche de solutions aux considérations décrite ci-dessus devrait permettre à la BRI d’opérer sur le sous-continent indien et notamment dans les petits Etats comme le Népal.
Les opinions exprimées sont celles des auteurs; elles ne reflètent pas nécessairement les opinions d’OBOReurope.
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