par Natasha Fernando
L’initiative « Belt and Road » lancée par Chine est bien plus qu’un réseau mondial de projets d’infrastructure, mais un mouvement stratégique inauguré par la Chine pour connecter la région Asie-Pacifique afin de créer des opportunités d’investissement mutuels, d’élargir les marchés d’exportation, et de développer des liens économiques grâce à une meilleure connectivité. Les États-Unis et certains de leurs alliés considèrent que la BRI va à l’encontre de leurs valeurs et principes. Les États-Unis dans le rapport stratégique Indo-Pacifique 2019 ont classé la Chine comme une « puissance révisionniste ». Avec le déclenchement de Covid-19, les sentiments antichinois se sont développés dans certaines parties du monde. Ce ressentiment peut menacer la rapide réalisation des projets OBOR. L’Asie du Sud en particulier est une région avec de nombreux projets de l’OBOR, mais elle doit faire face à plusieurs défis associés à la montée du nationalisme, de sentiments antichinois et anti-mondialisation.
L’intégration complète de l’Asie du Sud dans la BRI est contestée notamment à cause la réticence de l’Inde à rejoindre OBOR, car selon New Delhi, l’OBOR pourrait menacer l’influence régionale de l’Inde. Ce premier article s’intéresse au fonctionnement de l’OBOR en Asie du Sud après la crise du COVID-19.
L’OBOR au Sri Lanka: un partenariat continu
Les relations sino-sri lankaises sont anciennes et remontent au IVe siècle après JC avec la visite du moine chinois Faxian sur l’île.
Au XXe siècle, les relations sino-sri-lankaises se sont solidifiées avec l’accord riz-caoutchouc en 1952, permettant aux Chinois de se fournir en caoutchouc sri-lankais, alors qu’ils n’avaient pas accès au marché mondial. Cet accord a perduré pendent 30 ans et, selon Kelegama, il constituait « l’un des accords commerciaux Sud-Sud les plus réussis ». Le Sri Lanka a toujours soutenu la Chine au niveau international, et notamment lors de l’entrée de la Chine au Conseil de sécurité des Nations Unies en 1971, puis pour l’adhésion de la Chine à l’Organisation mondiale du commerce en 2001.
Les relations diplomatiques avec la Chine ont été établies en 1957. Un accord de coopération économique et technologique a été signé en 1962, puis a été conclu un accord maritime qui accordait la clause de la nation la plus favorisée aux navires commerciaux entre les deux pays ou un pays tiers. En 1972, lors la visite du Premier ministre Sirimavo Bandaranaike en Chine, une aide a été accordée pour la construction du centre de conférence « Bandaranaike International Memorial Hall (BMICH) » à Colombo.
En 1982, le comité commercial sino-sri lankais était inauguré, suivi deux ans plus tard par le comité de coopération économique et commerciale sino-sri lankais. Ces deux organismes ont fusionné en 1991 pour former la Commission commune sino-sri lankaise pour la coopération économique et commerciale. En 1994, sous la présidence de Chandrika Bandaranaike Kumaratunga, était formé le Conseil de coopération commerciale Sri Lanka-Chine. Durant tout ce temps, la Chine et le Sri Lanka ont maintenu d’excellentes relations.
A la signature de l’accord caoutchouc-riz a signé en 1952, plusieurs pays occidentaux ont alors diminué leur assistance au Sri Lanka. De même lors conflit armé avec le mouvement terroriste des Tigres de libération de l’Îlam Tamoul, alors que certains pays s’inquiétaient de la situation des droits de l’Homme sur l’île, la Chine a fourni des armes, son soutien diplomatique et de l’aide pour lutter durablement contre le terrorisme. En 2005, sous la présidence de Mahinda Rajapaksa, les relations bilatérales se sont encore renforcées. Des accords ont été signés couvrant divers domaines de coopération comme : l’assistance commerciale et technique, le développement urbain, le développement des sites religieux, la promotion des investissements, l’industrie cinématographique, télévisuelle et radiophonique, la santé, l’agriculture et la création d’un centre Confucius. En 2010, la Chine est devenue le plus grand partenaire financier étranger du Sri Lanka.
Les projets d’infrastructures
Cette nouvelle relation entre la Chine et le Sri Lanka s’est traduite par la mise en place de grands projets d’’infrastructures comme par exemple le port de Hambantota, l’aéroport international de Mattala, l’autoroute Colombo-Katunayake, la centrale au charbon de Norrochcholai, le projet de développement de Moragahakanda, la ligne de chemin de fer Matara-Kataragama, et le centre financier international de Colombo (CIFC). Parmi ces projets, le CIFC et le port de Hambantota sont les projets les plus importantes de l’initiative « Belt and Road ». Le projet de port d’Hambantota a été largement critqué, notamment dans un article du New York Times paru en 2018 qui le qualifiait d’éléphant blanc. Selon l’accord entre Beijing et Colombo, le Sri Lanka concède le contrôle du port à une entreprise chinoise en échange de l’annulation d’une partie de sa dette. Cet accord doit être démystifié. En 2017, 70% du capital du port d’Hambantota a été confié à l’entreprise China Merchants Port Holdings Company Limited pour une durée 99 ans contre 1,12 milliard de dollars. Cette décision permettait de renforcer les réserves de change et de couvrir les problèmes de balance des paiements. Le développement de la zone industrielle de Hambantota est essentiel pour encourager la connectivité, et ainsi offrir au Sri Lanka la possibilité de rejoindre le réseau de ports régionaux et transnationaux. Aujourd’hui, des entreprises peuvent investir dans des raffineries, des installations de stockage et de soutages de gaz naturel liquéfié (GNL).
Le centre financier international de Colombo est actuellement le plus grand projet d’investissement au Sri Lanka, et devrait être achevé en 2040. Avec cet investissement de 15 milliards de dollars, une nouvelle métropole au sein même de la capitale Colombo va émerger avec un quartier résidentiel, des entreprises et des installations de loisirs. Tous ces projets d’infrastructure financés par la Chine ont été lancés sous la présidence de Mahinda Rajapaksa, qui a été fortement critiqué par les partis d’opposition pour sa politique étrangère pro-chinoise. Sous le gouvernement Sirisena-Yahapalanaya en 2015, les projets chinois se sont poursuivis malgré les protestations de certaines ONGs et de groupes de pression qui pointaient des problèmes environnementaux, la question de la souveraineté et la corruption, etc. Bien qu’aucune évaluation de l’impact environnemental n’ait réalisée initialement à propos du CIFC, les autorités chinoises ont répondu aux critiques et se sont engagées à adopter un plan directeur de dévelopemment durable. L’élection du nouveau président Gotabhaya Rajapaksa (qui était auparavant secrétaire du ministère de la Défense, du développement urbain et de la planification) devrait permettre de renforcer les liens avec la Chine en réalisant l’ensemble de ces projets et attirer des investisseurs qui permettront à Colombo de rivaliser avec d’autres centres financiers comme Hong Kong, Dubaï ou Singapour.
Les opinions exprimées sont celles de l’auteur; elles ne reflètent pas nécessairement les opinions d’OBOReurope.
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