par Kirill Savrassov

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Les pays d’Asie centrale et d’Europe de l’Est qui reçoivent des investissements chinois dans le cadre de l’initiative « Belt and Road » (BRI) pourraient être intéressés par l’utilisation d’obligations souveraines paramétriques pour se prémunir contre les risques de catastrophes naturelles.

L’initiative « Belt and Road » a créé un besoin important de solutions de protection complète en Asie centrale et en Europe de l’Est, car la Chine a investi des dizaines de milliards de dollars en infrastructures dans ces régions, mais la plupart de ces projets ne sont pas correctement assurés contre de possibles dommages, bien que  ces régions présentent des risques de catastrophes naturelles en particulier des tremblements de terre.

Dans des pays comme l’Ouzbékistan, le Kazakhstan ou le Tadjikistan, il ne s’agit pas de savoir si un tremblement de terre va se produire, mais quand et à quelle intensité il se produira. Les Balkans occidentaux qui sont eux-mêmes sujets aux tremblements de terre, sont aussi sous la menace d’inondations massives en raison du changement climatique.

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Source: GFZ German Research Centre for Geosciences

Ces craintes sont malheureusement justifiées en raison de catastrophes qui se sont produites par le passé, comme les tremblements de terre d’Almaty (1911), Ashgabad (1948), Tachkent (1966) et Spitak (1988). Les inondations de 2014 dans les Balkans ont causé des dommages importants, représentant près de 5% du PIB de la Serbie et 15% de celui de la Bosnie-Herzégovine ; les plans de relance ont lourdement pesé sur les finances de ces pays. En Macédoine, en 2015 et 2016, de fortes inondations ont causé des dommages importants aux routes, aux ponts et aux infrastructures de gestion de l’eau, interrompant les transports et les activités économiques à travers le pays.

Ainsi, une catastrophe naturelle pourrait détruire une grande partie des infrastructures que la Chine a contribué à développer via la BRI. Si après sa construction, ce type d’infrastructure est détruit par un tremblement de terre ou une inondation, le pays hôte devra toujours rembourser à la Chine les prêts qu’il a contractés, sans pouvoir jouir de son investissement.

Les marchés émergents sont généralement vulnérables à l’impact des catastrophes naturelles. Selon Swiss Re, le niveau de couverture des risques de catastrophe est de 35% dans les économies avancées, contre seulement 6% dans les économies émergentes.

Alors que l’écart d’assurance est une question majeure pour tous les états, ce problème est  bien plus aigu pour les pays de « transit » de la BRI entre le nord-ouest de la Chine et l’Europe occidentale.

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Source: ThinkHazard!

Un taux de pénétration de l’assurance extrêmement faible, un sous-développement du marché, et dans certains cas, un protectionnisme sous la forme de restrictions d’accès au marché pour les acteurs internationaux ou l’obligation d’une intermédiation sous la forme de réassureurs publics locaux, démontrent la nécessité d’une stratégie et de nouveaux instruments pour un transfert alternatif des risques de catastrophes naturelles.

Accroître la pénétration de l’assurance est un objectif à suivre, mais ce n’est pas suffisant sur le long terme. Par conséquent, les gouvernements des pays émergents cherchent des moyens novateurs d’accroître leur accès au financement afin de se relever et se reconstruire en cas de catastrophe.

Parmi les options disponibles, les obligations souveraines paramétriques constituent un instrument efficace et logique pour les marchés émergents de résoudre leurs problèmes de financement des risques.

Ce sont en réalité les seuls instruments qui peuvent fonctionner de manière réaliste en raison de la fragmentation géopolitique de la région qui rend les accords de mise en commun impossibles en Europe de l’Est et en Asie centrale, tandis que les instruments de crédit conditionnel de la Banque mondiale sont trop politiques. L’influence de Chine et de la Russie est très forte dans la région, et la Banque Mondiale peut paraître dominée par les Etats-Unis; la solution d’obligations paramétriques reste donc neutre et pragmatique.

Les mesures prises par l’Autorité monétaire de Singapour pour développer son activité ILS, qui est entièrement parrainée par le gouvernement de Singapour, ont été accueillies favorablement par les marchés. Il est prévu que Hong Kong adopte des mesures similaires afin de concurrencer Singapour en encourageant le développement des ILS en Asie et dans le monde.

Cette tendance devrait améliorer les produits d’assurance innovants et encourager les gouvernements de la région à les utiliser pour s’assurer qu’ils disposent d’une couverture d’assurance adéquate en cas de catastrophe naturelle.

La diversification intra-classe des portefeuilles d’investissement est un facteur majeur pour le développement d’obligations souveraines « cat bonds » dans la région.

L’appétit stable pour les ILS en tant que classe d’actifs non corrélée que connaissent les investisseurs institutionnels est concentré essentiellement sur le marché nord-américain. Il existe donc un potentiel de diversification intra-classe sur de nouveaux territoires ; cela devrait attirer de nouveaux investisseurs qui désirent diversifier leur portefeuille.

D’autre part, la performance globale de l’ILS en tant que classe d’actifs par rapport à la volatilité du marché dans un contexte de COVID-19 a montré sa valeur, en agissant comme des actifs presque défensifs alors que les investisseurs cherchaient à libérer certaines ressources à utiliser sur d’autres secteurs impactés.

Ainsi, il ne fait aucun doute que le fait d’avoir des ILS dans son portefeuille permettra à tout gestionnaire d’actifs d’avoir une allocation pure liquide et non corrélée. En outre, les investissements dans de telles obligations serviront de soutien indirect et de protection globale des infrastructures essentielles de la BRI si les investisseurs institutionnels chinois y consacrent des fonds.

La performance de l’obligation pandémique de la Banque mondiale tout au long de la crise de la  COVID-19 montre que les obligations souveraines paramétriques en général sont une excellente initiative. Bien que quelques critiques raisonnables ont été formulées sur sa performance et que sa structure peut avoir besoin d’être ajustée et recalibrée, ce produit a fonctionné, donc ce concept est viable. Seuls quelques ajustements sont nécessaires.

D’une manière générale, le travail accompli par les Nations Unies et les institutions financières internationales pour encourager les gouvernements à aborder le financement des risques de catastrophe ne peut être que loué. Ces efforts mèneront à la durabilité et à la stabilité macroéconomique des pays en développement face à des catastrophes naturelles dévastatrices.

L’émergence d’un marché sain pour les obligations souveraines paramétriques peut devenir une réalité dans les cinq à sept prochaines années. Un seul accord majeur pourrait entraîner un effet domino. Les choses peuvent arriver très rapidement une fois que cette logique est acceptée.

Pour donner un exemple – dans les années 1990, il n’y avait pas de marché pour l’audit international dans l’ex-Union soviétique – les entrepises étaient satisfaites des normes locales. Même les banques n’étaient pas intéressées. Mais à mesure que le commerce avec l’Ouest augmentait, la société a reconnu la nécessité de se conformer aux normes internationales, et maintenant toutes les grandes entreprises les utilisent.

Il a fallu deux décennies pour que le marché passe d’un extrême à l’autre. Il peut en être de même pour les obligations souveraines paramétriques.

Kirill Savrassov est expert dans les ILS et le transfert de risques de catastrophes naturelles.

Cet article est une version révisée d’un texte déjà paru dans « Intelligence Insurer 2020 Monte Carlo Today Magazine » le 17 septembre 2020.

Les opinions exprimées sont celles des auteurs; elles ne reflètent pas nécessairement les opinions d’OBOReurope.

La BRI et la protection des infrastructures contre les désastres naturels
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