par Mlle Natasha Fernando
L’aménagement de la ville portuaire de Colombo est un projet de développement majeur mené dans le cadre de l’initiative chinoise « Belt and Road ». La ville portuaire de Colombo devrait être la première destination résidentielle et commerciale d’Asie du Sud. La ville portuaire sera construite sur 269 hectares de terres récupérées sur la mer qui formeront une extension de Colombo, la capitale économique du Sri Lanka. Ce projet est mené par CHEC Port City Colombo Pvt Ltd, du groupe China Harbour Engineering Company, une filiale de la China Communications Construction Company. Le projet est donc une coentreprise avec le gouvernement du Sri Lanka, sous la responsabilité du ministère du développement urbain, de l’approvisionnement en eau, du logement et du développement urbain. Récemment, le 27 mai 2021, le gouvernement du Sri Lanka a adopté la loi sur la Commission économique de la ville portuaire de Colombo. Le gouvernement doit, dès à présent, élaborer une stratégie pour réaliser le potentiel de ce projet tout en s’attaquant aux nombreux défis et obstacles qui se dressent devant lui.
La loi sur la ville portuaire
La loi prévoit la création d’une zone économique spéciale, ainsi que la mise en place d’une commission économique et d’un plan directeur de la ville portuaire de Colombo. D.L. & F. De Saram, un cabinet d’avocats de Colombo récapitule les points principaux du projet de loi de la ville portuaire qui inclut :
- La création d’une commission – habilitée à faciliter les investissements et à attirer les investissements directs étrangers comme « Single Window Investment Facilitator ».
- La mise en place de licences délivrées aux dirigeants d’entreprises.
- L’adoption d’une loi sur la gestion foncière dans la ville portuaire.
- La création d’une bourse, « Estate Manager » et un centre international pour le règlement des différends commerciaux.
- La mise en place de plusieurs d’exonérations fiscales afin d’encourager les entreprises et leurs employés, énumérées dans l’annexe II de la Loi.
Les opportunités offertes
Les travaux de la ville portuaire ont été officiellement lancés le 17 septembre 2014 sous la direction du président Mahinda Rajapaksa. Ce projet de développement à grande échelle est en train de repositionner Colombo de manière compétitive parmi les autres villes financières internationales comme Dubaï, Hong Kong et Singapour. Plusieurs quartiers seront prévus dont :
- Un centre financier
- Une zone résidentielle autour d’un Central Park
- Un quartier “Vie insulaire”
- Une Marina
- Un quartier “île internationale”
La construction du projet devrait être normalement achevée en 2041. La Phase 1 du projet devrait être terminée pour 2023 y compris les travaux d’infrastructure, de poldérisation, la construction de l’île artificielle, de la marina et du parc central. A l’horizon 2023-2025, les établissements d’enseignement et de la santé devraient ouvrir leurs portes.
Une fois construits, le centre financier pourra accueillir 11 000 habitants, le quartier de la Marina 5 000, le quartier de Central Park 10 000, le quartier de l’île 26 000 et encore 26 000 résidents pourront être accueillis dans le quartier international de l’île. On estime que la ville portuaire attirera près de 15 milliards de dollars d’IDE, et contribuera pour 11,8 milliards de dollars à l’économie du Sri Lanka.
Le projet de ville portuaire est conçu pour répondre aux besoins et aux exigences du développement durable, avec par exemple une approche intégrée de la gestion des besoins en énergie, en l’eau et du traitement des déchets.
Ce projet offre de nombreux avantages en termes de qualité de vie, divertissement, de santé ou d’éducation. Cette offre devrait attirer une nouvelle population dans la capitale, mais plusieurs conditions devront être remplies pour que cela se réalise.
Les défis
Depuis 2014, ce projet de ville portuaire a dû faire face à l’opposition de plusieurs groupes de pression qui remettent en question sa légalité, et qui s’inquiètent de son impact environnemental ainsi que de ses retombées pour la population locale.
En raison de ces pressions, plusieurs changements ont été opérés, comme l’introduction d’un « Zipper Green System » ou coulée verte, qui prendra mieux en compte les préoccupations environnementales de la population. De plus, 19 requêtes ont été déposées devant la cour suprême concernant la constitutionnalité du projet de loi en raison des remarques formulées par des partis politiques comme Samagi Jana Bala Wagaya (le parti d’opposition du Sri Lanka), Janatha Vimukthi Peramuna et des personnalités telles que le vénérable Muruththetuwe Ananda Thero du temple d’Abayarama à Colombo. La ville portuaire a été décrite comme une future « colonie chinoise » par certains Sri Lankais et aussi par l’Inde qui s’inquiète d’une coopération plus approfondie entre le Sri Lanka avec la Chine.
Cependant, le projet de loi a été autorisé sans référendum ni l’obtention d’une majorité des 2/3 des voix au parlement par un verdict de la Cour suprême rendu le 18 mai 2021. Le tribunal a modifié les clauses 3 (6), 30 (3), 55 (2) et 58 (1) qui étaient incompatibles avec la constitution comme résumées ci-dessous :
- Les terres gagnées sur la mer doivent être considérées comme faisant partie territoire sri lankais, où s’appliquent la législation nationale.
- Les pouvoirs de la commission comme organisme de réglementation ont été réduits et définis de sorte que les pouvoirs de la commission dans la zone d’autorité ( Area of Authority) de la ville portuaire soient en accord avec les instances de contrôle, y compris le Bureau de registre des Sociétés, le Contrôleur de l’Immigration et de l’Emigration, la Banque centrale, la direction générale de l’Autorité centrale de l’environnement, et la direction générale des douanes.
- La liberté de mouvement des citoyens sri lankais ne peut être réduite et l’accès à toutes les installations et services dans la zone d’autorité de la ville portuaire leur est autorisé.
- Les employés locaux et étrangers ne sont pas exonérés d’impôts sur le revenu.
- Les personnes autorisées qui souhaitent exercer des activités hors de la zone d’autorité ne bénéficieront pas des avantages et des exemptions applicables en vertu de la loi afin de protéger les petites entreprises (qui ne bénéficient pas des mêmes exemptions et avantages)
Des défis subsistent, d’autres manifestations pourraient être organisée par la population locale contre la présence de travailleurs étrangers au Sri Lanka. Certains contrecoups pourraient être orchestrés depuis l’Inde, voisin du Sri Lanka où certains s’inquiètent de l’approfondissement des liens entre la Chine et le Sri Lanka si ces liens étaient contraires aux intérêts indiens.
Selon Eran Wikremaratna, un membre du parlement, le Sri Lanka doit être prêt à relever ces défis en présentant de nouvelles garanties pour les Sri Lankais, et également en offrant des opportunités d’investissement pour les entreprises étrangères de l’Inde, du Moyen-Orient, des Etats-Unis et d’Europe qui restent principaux partenaires commerciaux du Sri Lanka.
La voie à suivre
Le gouvernement sri lankais doit se préparer à répondre à ces nombreux défis en redéfinissant ses stratégies et en fixant des objectifs réalistes. La tâche principale consiste à renforcer le lien de confiance avec sa population et à développer une image positive du projet. Pour ce faire, le premier ministre Mahinda Rajapaksha a affirmé que 75% des 200 000 emplois créés par le projet seront réservés aux seuls Sri Lankais.
En outre, le gouvernement doit rétablir la confiance qui unit le Sri Lanka à ses partenaires commerciaux en les encourageant à investir. Enfin, le gouvernement doit obtenir le soutien des partis politiques d’opposition. Par exemple, le gouvernement au pouvoir entre 2015-2019 était proactif concernant le développement de la ville portuaire car les projets de l’initiative « Belt and Road » étaient fortement promus par la Conférence de l’océan Indien 2018 qui s’est tenue au Sri Lanka. Par conséquent, il doit être possible de renforcer la confiance entre les parties afin de faire avancer ce projet de manière transparente et inclusive.
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