par Dr. Sébastien Goulard
Pour sa première visite à l’étranger depuis l’épidémie mondiale de la Covid19, le Conseiller d’État chinois et Ministre des Affaires Étrangères Wang Yi a choisi l’Europe. Du 25 août au 1er septembre, Wang Yi a visité pas moins de 5 pays pour développer les relations Chine-Europe et préparer le sommet spécial UE-Chine qui se tiendra (virtuellement) à Leipzig, en Allemagne, le 14 septembre 2020. Cet événement était reporté à cause du Covid-19.
Une semaine, cinq destinations
Le Ministre des Affaires Étrangères Wang Yi a commencé son voyage en Europe par une première escale en Italie où il a rencontré son homologue Luigi Di Maio et s’est entretenu par téléphone avec le Premier Ministre Conte. Les parties chinoises et italiennes ont rappelé leur soutien au multilatéralisme et ont discuté de la crise de la Covid-19 et de la situation à Hong Kong. Les deux parties se sont engagées à continuer de développer ensemble l’Initiative « Belt and Road » et à faire de la BRI un axe majeur de la coopération Chine-Italie.
Wang Yi s’est ensuite envolé pour les Pays-Bas et a rencontré le Premier Ministre néerlandais Mark Rutte et le Ministre des Affaires Étrangères Stef Blok. Les Pays-Bas abritant le plus grand port d’Europe (Rotterdam), les dirigeants chinois et néerlandais ont axé leurs discussions sur la nécessité de reprendre le trafic de marchandises entre l’Europe et la Chine. Ils ont également évoqué d’autres sujets de coopération possibles, notamment l’aérospatial et l’éducation.
La troisième destination européenne de Wang Yi était la Norvège, un État non membre de l’UE, où il a rencontré le Premier Ministre Erna Solberg et le Ministre des affaires étrangères Ine Soreide. Ils ont principalement parlé d’accélérer les négociations pour parvenir à un accord de libre-échange. Le premier cycle de négociations a été lancé en 2008 et un accord était censé être conclu en 2020, mais en raison de la crise du Covid-19, certains cycles de négociation ont été reportés. Wang Yi et les dirigeants norvégiens ont discuté de questions commerciales, de la fiscalité, des affaires maritimes et de développement durable.
Avant de se rendre en Allemagne, le Conseiller d’État chinois s’est d’abord arrêté à Paris pour s’entretenir avec le Président français Macron, le Ministre des Affaires étrangères Le Drian, et le Président du Conseil constitutionnel Fabius, pour parler du commerce, de la pandémie de la Covid-29 et des nouvelles technologies. Les dirigeants chinois et français ont également eu des entretiens significatifs sur les affaires internationales, y compris la situation en Iran, au Mali et au Liban. Les deux pays, membres du Conseil de sécurité permanent de l’ONU, se sont engagés à soutenir le multilatéralisme et à promouvoir la paix dans le monde.
La dernière destination de Wang Yi était l’Allemagne (qui occupe actuellement la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne) pour rencontrer le Ministre allemand des Affaires Étrangères Heiko Maas. L’Allemagne est le premier partenaire commercial de la Chine en Europe et les deux pays sont prêts à accélérer la reprise économique mondiale après la Covid19.
Priorité au multilatéralisme
Au cours de cette semaine intense, le Ministre des Affaires Étrangères Wang Yi a abordé les préoccupations européennes concernant certaines questions relatives aux affaires intérieures chinoises, mais a surtout appelé au maintien du multilatéralisme et à l’augmentation du commerce entre l’Europe et la Chine.
Les deux parties espèrent poursuivre rapidement les négociations pour l’accord global UE-Chine sur les investissements. Ce nouvel accord renforcerait les échanges entre la Chine et l’Europe et donnerait aux entreprises européennes un accès plus large au marché chinois. La Chine et l’UE sont toujours préoccupées par des questions de réciprocité et veulent lever tous les obstacles restants au commerce UE-Chine.
Les relations UE-Chine de demain
La visite de Wang Yi en Europe s’est déroulée dans une période de tensions entre la Chine et les Etats-Unis. Les deux superpuissances sont en désaccord sur de nombreux points et ne présentent pas la même vision du monde. La visite du Ministre chinois des Affaires Étrangères en Europe montre que Pékin est désireux de développer un nouveau partenariat avec l’Europe. C’est une opportunité à ne pas manquer pour l’Europe. Il est temps que l’Europe développe sa propre politique envers la Chine, protège ses intérêts et se différencie de la position américaine.
Les flux commerciaux UE-Chine sont les plus importants au monde ; grâce à une coopération renforcée, l’Europe et la Chine sont capables de façonner le commerce mondial et de promouvoir le multilatéralisme.
Mais pour atteindre cet objectif, les États membres de l’Union Européenne doivent mieux coordonner leur politique chinoise. Les décisions, projets ou visites doivent être planifiés au niveau européen et non au niveau national. Pour la Chine, seule une Europe unie sera un partenaire fiable.
Rejoindre la BRI?
Lors de sa visite en Europe, le Conseiller d’État Wang Yi a proposé aux dirigeants européens de travailler conjointement pour la reprise économique mondiale. Cela ne peut être réalisé qu’en augmentant le commerce entre l’Europe et la Chine, c’est pourquoi Wang Yi et le Premier Ministre italien ont convenu de renforcer la coopération pour le développement de la nouvelle Route de la Soie. Des actions similaires pourraient être prises par d’autres pays européens et la nouvelle Route de la Soie pourrait devenir un axe majeur de la reprise économique mondiale.
Pendant la crise de Covid-19, le fret ferroviaire intercontinental reliant la Chine à l’Europe a connu une croissance rapide. Des politiques coordonnées pourraient être mises en œuvre pour soutenir cette tendance dans un contexte post-Covid19.
D’autre part, l’initiative « Belt and Road » pourrait devenir un cadre intéressant pour renforcer la coopération entre l’Europe et la Chine.
Un point majeur à aborder le mois prochain sera l’articulation possible entre le prochain accord global sur les investissements UE-Chine et l’initiative « Belt and Road »: cela donnera aux entreprises européennes un large accès aux marchés les plus dynamiques de Chine et d’Asie.