par Dr. Sébastien Goulard
En novembre 2020, un think tank chinois a proposé l’interdiction de la construction de nouvelles centrales électriques au charbon pour les futurs projets de la BRI. Cette suggestion illustre le récent mouvement adopté par la Chine vers les énergies renouvelables et une initiative « Belt and Road » plus verte.
Cette nouvelle ambition touche d’autres pays impliqués dans la BRI, et certains pays en développement comme le Pakistan, modifient leur stratégie et deviennent eux-aussi plus verts.
De nouvelles ambitions pour le 5e anniversaire de l’Accord de Paris sur le climat
Pour marquer le 5ème anniversaire de l’adoption de l’Accord de Paris sur le climat, un Sommet Ambition Climat s’est tenu le 12 décembre 2020. Cette conférence virtuelle, organisée par les Nations Unies, la France et le Royaume-Uni a réuni plus de 70 chefs d’Etat qui ont fait le point sur les efforts consentis pour réduire leurs émissions de carbone et annoncer leurs actions futures.
De nombreux pays, dont des membres de l’UE, ont annoncé des objectifs très ambitieux. Selon Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, l’UE s’est engagée à réduire ses émissions de carbone de 55% d’ici à 2030 par rapport aux niveaux de 1990.
Pour sa part, la Chine continuera à stimuler les énergies renouvelables. En 2030, 25% de sa consommation totale d’énergie proviendra de sources d’énergie non fossiles (contre 15% en 2020).
Il est à noter que les pays en développement, où la pollution et la consommation d’énergie ne manqueront pas d’augmenter, ont également annoncé des politiques intéressantes et efficaces pour réduire les émissions de carbone.
La fin des centrales au charbon au Pakistan
Parmi les dirigeants des pays en développement, le Premier ministre pakistanais Imran Khan a pris une décision majeure concernant l’avenir de son pays. Lors de cet événement virtuel, Imran Khan a annoncé que le Pakistan ne construirait plus de centrales électriques au charbon, et opterait pour les énergies renouvelables.
Le Pakistan est une économie en développement et fait régulièrement face à des pénuries d’électricité en raison d’une production d’énergie insuffisante et d’infrastructures électriques limitées. Les villes pakistanaises, comme de nombreuses villes d’Asie du Sud, souffrent d’une forte pollution atmosphérique. Par exemple, la qualité de l’air à Lahore est considérée comme dangereuse.
Dans son discours, Imran Khan a affirmé que d’ici 2030, 60% de la production d’énergie proviendra de ressources renouvelables, notamment l’énergie éolienne, l’énergie solaire et les centrales nucléaires ; il a également déclaré que 30% des voitures au Pakistan seront des voitures électriques d’ici 2030.
L’énergie du charbon a longtemps été négligeable au Pakistan et n’a augmenté que ces dernières années pour atteindre environ 20% de la production totale d’électricité. Suivant cette décision, le Pakistan se fixe un nouveau cap.
Des projets en cours de centrales électriques au charbon maintenus
Cependant, la décision audacieuse et ambitieuse prise par l’administration de Khan ne menace pas les projets actuels d’énergie fossile qui sont déjà en construction au Pakistan dans le cadre du CPEC.
Plusieurs centrales électriques au charbon ont été financées et / ou construites au Pakistan avec le soutien technique et financier offert par la Chine. Ces constructions ne seront pas arrêtées car les besoins énergétiques du Pakistan sont énormes et le pays est régulièrement confronté à des pénuries d’électricité. Mais la construction de deux centrales au charbon prévues a été annulée par le gouvernement d’Imran Khan.
La décision prise par Imran Khan est assez soudaine alors que la « National Transmission and Dispatch Company » a dévoilé en avril 2020 un plan visant à augmenter la capacité de production d’électricité au charbon de 11 à 38 GW entre 2030 et 2047. Cela montre la confiance du Premier ministre Khan dans le CECP (Corridor Economique Chine Pakistan) pour promouvoir des énergies plus vertes.
Coordination et soutien de la Chine
Avant cette annonce faite lors du Sommet Ambition Climat, le ministre de l’Énergie Omar Ayub Khan a rencontré début décembre l’ambassadeur de Chine récemment nommé au Pakistan Nong Rong pour discuter de la coopération énergétique. Les deux parties ont convenu de développer ensemble plus de projets énergétiques dans le cadre du CECP. Alors que les entreprises chinoises s’éloignent des projets d’énergie fossile et adoptent des solutions énergétiques beaucoup plus vertes, il y a plus d’occasions de développer une coopération entre les deux pays et de partager leurs expériences dans les énergies renouvelables.
Comme l’a mentionné le Dr. Erica Downs (SIPA), il y avait un décalage entre un Corridor Economique Chine Pakistan qui fonctionnerait au charbon et des entreprises chinoises qui s’éloignent de cette énergie. Le développement des énergies renouvelables au Pakistan contribuera à accroître les investissements des startups chinoises de l’énergie au Pakistan.
En outre, les banques chinoises et les institutions financières étrangères accordent désormais leur priorité aux projets verts par rapport aux centrales électriques au charbon pour leurs opérations financières concernant l’initiative « Belt and Road ». La décision d’Imran Khan peut donc aider à financer de futurs projets.
Des projets pétroliers et gaziers menacés ?
La nouvelle voie suivie par le Pakistan pourrait également remettre en cause les investissements actuels dans le secteur pétrolier et gazier. Imran Khan n’a pas mentionné le pétrole et le gaz dans son discours. Dans le passé, le Pakistan dépendait principalement du pétrole et du gaz pour sa consommation d’énergie. L’un des principaux objectifs du CECP est de développer de nouvelles raffineries et de faire de Gwadar un pôle énergétique reliant les marchés pétroliers et gaziers d’Asie centrale aux marchés mondiaux. Les anciennes infrastructures pétrolières et gazières du Pakistan n’étaient pas respectueuses de l’environnement, et polluaient trop. Avec le CECP, des infrastructures plus modernes et plus efficaces ont été construites.
Le gaz et le pétrole continueront d’être des sources d’énergie importantes pour le Pakistan et la région. Mais les énergies renouvelables sont susceptibles de se développer également en Asie centrale avec la construction de l’initiative « Belt and Road ».
Les énergies renouvelables sur le CECP
Le Pakistan devra continuer à augmenter sa capacité de production d’électricité afin de répondre à la demande croissante des entreprises et des villes pakistanaises. Mais comme l’a souligné le Premier ministre Imran Khan, cela peut être réalisé grâce à la construction de centrales hydroélectriques, d’éoliennes ou de centrales solaires. Ces installations sont de moins en moins chères ; cependant, les meilleurs emplacements pour la plupart des éoliennes sont en dehors des principaux centres urbains, et donc de nouvelles lignes et installations électriques, relativement coûteuses, doivent également être construites.
L’option de l’énergie au charbon qui avait été précédemment adoptée par le Pakistan a été contestée par plusieurs experts qui ont souligné les prix réduits des sources d’énergie renouvelables. En optant pour les énergies renouvelables, le gouvernement pakistanais a également écouté les habitants et les ONGs qui craignaient les conséquences possibles d’un développement de l’extraction du charbon (contamination de l’eau, pollution). La stratégie énergétique nouvellement adoptée offrira certainement un environnement plus vert et un avenir meilleur aux Pakistanais.
Davantage d’investissements étrangers au Pakistan?
Le passage du Pakistan aux énergies renouvelables transformera également l’image du pays à l’étranger et attirera davantage d’investisseurs étrangers à la recherche de solutions énergétiques innovantes. En s’éloignant du charbon, le Pakistan pourrait devenir une destination majeure pour les entreprises travaillant dans le secteur des énergies renouvelables ; cela pourrait également permettre aux entreprises pakistanaises de développer leurs propres solutions pour un Pakistan plus vert.
Contrairement aux pays développés, le Pakistan devra faire face à une forte demande en énergie dans les années à venir. La décision prise par Imran Khan est difficile, mais elles est aussi intelligente. Le pays veut promouvoir le tourisme et préserver sa capacité agricole, et cela ne peut se faire qu’en développant les énergies renouvelables.
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