par Dr. Sébastien Goulard

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Fin mars 2021, le président américain Joe Biden a suggéré la création d’un nouveau projet rival de l’initiative  « Belt and Road » (BRI). Le président américain a présenté ce concept au Premier ministre britannique Boris Johnson lors d’un appel téléphonique. Cependant, ce projet semble encore assez vague, et ne paraît pas suffisamment élaboré pour concurrencer la BRI.

Les projets concurrents américains

La BRI chinoise a été lancée il y a plus de sept ans et est aujourd’hui une initiative établie. Bien sûr, la BRI a changé et s’est amélioré depuis ses débuts, mais elle est maintenant reconnue comme un programme majeur qui peut apporter des changements aux pays en développement.

Le projet américain nouvellement annoncé fait suite à d’autres tentatives précédentes suggérées par Washington pour concurrencer la BRI. Avec plusieurs projets qui se chevauchent, la stratégie américaine ne semblent malheureusement pas claire.

L’initiative Quad: seulement la sécurité?

En 2017, les États-Unis ainsi que l’Australie, l’Inde et le Japon ont relancé le « Quadrilateral Security Dialogue » (Quad), inauguré pour la première fois en 2017. Le Quad est principalement une initiative diplomatique et sécuritaire qui ne se penche pas directement sur la question du développement. Cependant, le 12 mars 2021, les dirigeants des quatre pays participant au Quad ont publié une déclaration commune intitulée « L’esprit du Quad » qui mentionnait la reprise économique post-Covid, les investissements dans des infrastructures de qualité et les défis environnementaux. Bien que ces questions soient des sujets de préoccupation majeurs, elles ne peuvent pas être décrites comme des problèmes de sécurité. Cela signifie-t-il que le Quad est plus qu’un partenariat de défense?

Le « Build Act »

En juillet 2018, lors du Forum des affaires indo-pacifique, le secrétaire d’État américain Mike Pompeo a annoncé l’intention des Etats-Unis de développer son propre plan d’infrastructure pour l’Asie après l’approbation par le Sénat du Build Act (Better Use of Investment Leading to Development) qui avait créé le Société de financement du développement international des États-Unis (US International Development Finance Corporation). Cette agence devait proposer une assistance aux investisseurs privés dans des projets d’infrastructure en Asie.

Le réseau Blue Dot

Ce projet a été suivi par le Blue Dot Network (BDN), introduit pour la première fois lors du Forum des affaires indo-pacifique de Bangkok en novembre 2019. Cette initiative rassemble des institutions financières des États-Unis (US International Development Finance Corporation), du Japon (Japan Bank for International Coopération) et d’Australie (ministère des Affaires étrangères et du Commerce) ; le BDN devait servir d’organisme de certification pour évaluer les projets de construction d’infrastructures dans la région indo-pacifique. Selon Robert O’Brien, conseiller américain à la sécurité nationale, le BDN devait fonctionner un peu comme un « guide Michelin »  des infrastructures, pour les institutions financières et les investisseurs à identifier des projets durables à développer. Un projet de gaz naturel liquéfié en Papouasie-Nouvelle-Guinée a été le premier à bénéficier de cette initiative en 2019.

Mais les réalisations du BDN n’ont pas répondu à toutes les attentes. Le BDN a été développé sous l’administration Trump et, comme l’a souligné VoA, il ne sera peut-être pas poursuivi sous le président de Joe Biden.

La SALPIE

Avant d’inviter le Premier ministre britannique à co-développer une nouvelle initiative, le 22 mars 2021, l’administration Biden a annoncé la création de l’initiative SALPIE (Small and Less Populous Island Economies). SALPIE renforcera la coopération entre les États-Unis et les petits pays insulaires de la région des Caraïbes et du Pacifique. Plusieurs agences américaines coordonneront leurs activités pour fournir une meilleure assistance en matière de croissance économique, de changement climatique, de changements sociaux ou de sécurité dans ces pays. Les deux régions ont traditionnellement été considérées comme faisant partie de la sphère d’influence de Washington, mais certains pays ont décidé de rejoindre la BRI. Ces îles espèrent profiter de cette compétition entre la Chine et les États-Unis.

La prochaine initiative américaine

Les détails sur le dernier projet discuté entre le président Biden et le premier ministre Johnson n’ont pas été révélés. Cependant, selon le président Biden, cette initiative sera soutenue par des « démocraties ». Il est difficile d’estimer combien les États-Unis et d’autres pays investiraient dans cette alternative à la BRI. Les États-Unis ont déjà annoncé une proposition de 2,25 billions de dollars pour moderniser leur propre infrastructure et pourraient ne pas être en mesure d’investir davantage dans les pays étrangers. De plus, de nombreux pays ont été durement touchés par la crise de Covid et n’ont peut-être tout simplement pas les capacités financières nécessaires pour développer des infrastructures à l’étranger. Au contraire, la Chine s’est en grande partie remise de la crise et sera en mesure d’offrir son assistance aux pays en développement.

Les proposition américaines : un possible manque de cohérence?

Bien que ces initiatives menées par les États-Unis puissent aider certains pays à avoir accès à des infrastructures modernisées, il existe un problème de cohérence. Les mécanismes et les priorités ont tendance à changer avec les différentes administrations présidentielles américaines. Le BDN continuera-t-il sous le président Biden? Cette nouvelle initiative possible discutée entre le président Biden et le premier ministre Johnson se produira-t-elle?

Au contraire, la BRI est là pour rester, elle est inscrite dans la constitution chinoise. Bien sûr, certains mécanismes peuvent changer, mais  la BRI offre une vision et une stratégie à long terme aux pays en développement ; et la stabilité est une priorité pour la plupart des pays en développement.

La BRI, un projet ouvert et inclusif

La BRI a parfois été critiquée par les médias et les thinktanks pour ne pas être suffisamment ouverte et transparente. Bien que certains des premiers projets financés dans le cadre de la BRI méritaient ces critiques, l’initiative a changé depuis 2013, et les administrations américaines n’ont pas pris note de ces changements.

Premièrement, la plupart des projets développés dans le cadre BRI sont ouverts aux entreprises non chinoises, c’est par exemple le cas du corridor économique Chine-Pakistan pour lequel les dirigeants pakistanais et chinois ont invité des entreprises et des investisseurs étrangers à se joindre à eux.

En outre, la Chine promeut des solutions vertes avec l’initiative « Belt and Road ». Comme annoncé à l’automne 2021, les nouveaux projets financés par la BRI devront être plus durables.

Le financement des projets BRI a évolué et les institutions financières chinoises ne sont pas les seules à s’impliquer dans ces projets, il existe de nombreux investisseurs et banques d’Europe, d’Asie du Sud-Est ou de la région du Golfe. Cela rend l’ensemble de la BRI plus transparent et réduit le risque de piège de la dette.

Au lieu de lancer des projets concurrents à la BRI, une plus grande coordination entre la Chine, les Etats-Unis, l’Europe et la Russie est nécessaire pour relever les défis mondiaux.

La BRI et ses concurrents américains
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